La plume dans l'oeil

des mots et des images pour habiller la rage

MONSIEUR LALOUZE VA AU FISC

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Monsieur Lalouze a du se rendre au centre d’impôts pour tenter de négocier car il n’a plus beaucoup d’argent. Arrivé sur place, il constate que l’intérieur a été rénové, fait la queue, prend le ticket et se dirige vers la salle d’attente remplie de pauvres hères dans son genre. Il a le numéro 223. On lui a prédit une demi-heure d’attente.
Dans la salle où l’on poireaute, un grand écran plan explique aux miséreux qui le contemplent que le fisc s’est dématérialisé pour leur « simplifier la vie ». Pour se simplifier la vie, il faut et il suffit de posséder – ou d’acheter – un ordinateur, une imprimante, de cartouches d’encre et des feuilles de papier. Une fois de plus, tout va dans le sens de la déshumanisation pense monsieur Lalouze, contraint de fixer l’écran pour ne pas rater l’appel de son numéro. On arrive à 222.
Le panneau passe de 222 à 225. Monsieur Lalouze s’informe auprès d’un employé qui l’assure dans un premier temps que le numéro 223 a été dûment appelé, ce dont monsieur Lalouze doute fortement puisqu’il n’a pas quitté l’écran des yeux. L’employé va s’informer puis revient vers lui en expliquant que « ca arrive que l’on saute des numéros ». Monsieur Lalouze est à deux doigts de demander pourquoi mais préfère se taire et demander comment cela va se passer. Re-disparition de l’employé qui s’en va conciliabuler avec la personne du guichet numéro 4, puis celle du numéro 7…. C’est un univers de chiffres mais sans logique. Monsieur Lalouze pense au Petit Prince et attend que quelqu’un veuille bien le recevoir.
Bip ! le numéro 223 est attendu au bureau numéro 4. Monsieur Lalouze s’approche, son dossier sous le bras. Derrière le bureau numéro 4, une mémère en paletot gris tristoune le regarde arriver, prend son ticket sans un mot. Monsieur Lalouze dit bonjour et s ‘assoit. La gorgone en tricot le regarde toujours sans un mot. Il a au minimum l’impression de déranger cette employée un tout petit peu moins aimable qu’une porte de prison. Il se remémore les panneaux égayant la salle d’attente où il est fait mention d’un accueil « courtois ». Peut-être que le mot n’a pas le même sens au bureau 4.
Il expose en quelques mots sa situation catastrophique. La gorgone refuse d’un geste les papiers qu’il tend afin de prouver la véracité de ses propos, lui coupe la parole et lui dit qu’il peut obtenir un délai de paiement et qu’il suffit de remplir le formulaire qu’elle lui tend. L’entretien est clos. Monsieur Lalouze s’obstine, demande s’il est possible d’obtenir un rabais, une ristourne, un petit geste. La gorgone le regarde comme s’il était un étron et lui dit que non. Monsieur Lalouze s’étonne que l’on accorde des « crédits d’impôts » aux entreprises et que l’on ne puisse rien faire pour lui alors qu’il est en train de couler. La gorgone lui jette un regard globuleux. Il l’emmerde avec ces récriminations et elle est à deux doigts d’appeler le vigile qui rode dans l’entrée.

Monsieur Lalouze prend le formulaire, et repart dans la rue. Au fond de lui même, il bouillonne. Seule sa « bonne » éducation fait qu’il se retient alors qu’il a eu envie de péter à coup de hache le bureau de la gorgone et qu’il a quelque part une grosse envie de cocktails Molotov, d’émeutes et de barricades.

Manif CIP-17mars94 - copie

Auteur : Riccardo

Quand j'avais quinze ans c'était "peace and love". Quand j'avais vingt ans on gueulait "no future". Maintenant que j'ai passé le cap du demi-siècle cela m'ennuie un peu de constater que nous fonçons droit dans le mur... Après "no future" c'est quoi ?

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