Sur le quai de la gare du Nord, une femme attend. Se plaint à voix haute. Son fils est parti « dans son dos » avec sa valise. Ivre-mort. La femme reconnaît quelqu’un dans le train encore à quai. Recommence son histoire devant l’auditeur pour le moins perplexe : « Il a trouvé la bouteille de Chartreuse. Quand j’ai vu c’était trop tard et puis j’avais besoin de quelqu’un pour la valise ». Elle apostrophe un autre voyageur. Cette femme a des relations dans le 19h49. A prendre le même train chaque jour, on se reconnaît au bout d’un moment. Je ne connais personne dans ce train. J’ai raté le 19h18 et je suis l’inconnu du 19h49.

La femme hésite. Attendre le retour du fils indigne où monter sans la valise dans ce 19h49 vaguement familier? Le choix n’est pas facile : « Ben, dans la valise, y’a toutes les affaires de ma mère. » On tient à ces choses là. On peut s’inquiéter du sort de la valise aux mains d’un type saoul comme une vache sous la verrière de la Gare du Nord. « Et s’il tombait sous un train ? « , s’inquiète la dame, visiblement plus préoccupée par la perte éventuelle de sa valise que par le sort de son fils. Les connaissances ferroviaires opinent mollement. Pas très envie d’entrer dans cette histoire.

« Mais qui va m’aider à porter mes bagages? » Derrière elle sur le quai, un sac à dos obèse et deux trois bourses annexes. Les connaissances marmonnent et se replongent dans l’examen approfondi de journaux, revues….Il n’arrive pas. « Y finira bien par rentrer » bougonne la femme en montant dans le train qui démarre. Derrière dans le noir, un homme erre dans la gare. Il est saoul et tire une énorme valise.

Paris 2012

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