La plume dans l'oeil

des mots et des images pour habiller la rage

LA « RAGOSPHERE »

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Di Caprio est mort dans un accident de voiture.Vous ne le saviez pas ? C’est sur internet. Les photos de l’enfant noyé sur la plage de Bodrum sont des montages. D’ailleurs son père voulait juste se faire soigner les dents au Canada. Vous ne le saviez pas ? C’est sur internet.
Certains journalistes parlent de réacosphère. Mais cette terminologie n’englobe qu’une faible partie du large spectre de la connerie qui parfois règne sur la toile. On lit aussi des belles âneries sur des sites se revendiquant de gauche. Je préfère donc parler de « ragosphère ».
Avec l’avènement des nouvelles technologies et des réseaux sociaux, tout le monde se veut « journaliste citoyen » ou « lanceur d’alerte ». Et bien sûr tout le monde est photographe de talent. C’est faire peu de cas des professions de photographe et de journaliste. A part quelques exceptions ( quelle branche d’activité n’a pas ses brebis galeuses?) , un journaliste ne balance pas n’importe quoi comme information. Il existe des lois qui encadrent ces métiers. Le journaliste qui répand de fausses nouvelles risque le procès. Le pékin de base en revanche ne risque rien  – au pire, il passera pour un con, ce qu’il est parfois dans la vraie vie. Chez les gens dont c’est le métier, une information, avant d’être publiée, sera recoupée et vérifiée avant d’être validée. Les photos d’agence sont accompagnées de légendes ( où, quand, qui…) sans lesquelles elles n’aurait guère de sens. Hélas la multiplication des chaines de télé « en continu » et la hantise de rater un scoop entrainent certaines dérives peu déontologiques.

Les journalistes ont mauvaise presse. Les médias sont forcément des menteurs au service d’une obscure conspiration qui étrangle les honnêtes gens. Ces derniers, formidablement informés à des sources parfois sulfureuses, vous expliqueront très sérieusement que le 11 septembre est une manipulation de la CIA, que les photos sont truquées et que l’information est contrôlée et distillée par un « lobby » qui, curieusement, n’a toujours pas été démasqué. C’est normal, vous rétorqueront ces braves gens, puisque les Illuminati/le groupe Bilderberg / Skulls and Bones ( liste non limitative) contrôlent les médias, affublés du surnom affectueux de « merdias »….
Il est vrai que parfois, des journalistes ont repris des informations qui se sont avérées caduques, mais si l’on y regarde à deux fois, ce sont la plupart du temps les gouvernements qui mentent. Ce n’est pas la presse qui a déclaré que le nuage de Tchernobyl s’était arrêté juste à la frontière, ce ne sont pas les journalistes qui ont agité un petit flacon prétendument mortel pour envahir l’Irak.
La différence entre le journaliste et l’autoproclamé citoyen journaliste, c’est que le journaliste doit vérifier ses informations alors que le pékin de base se contente de deux clics, « j’aime » et « partage ». Il s’en fout, il n’a de compte à rendre à personne, ce qui n’est pas le cas du journaliste. Pourtant, les journalistes citoyens poussent comme le chiendent. C’est la seule profession qui est confronté à cette innovation. je ne connais pas de plombier-citoyen, de pâtissier-citoyen…. Hélas ces comportements brisent la crédibilité des véritables citoyens journalistes qui dans certaines dictatures sont les seuls à faire sortir des informations au risque d’y laisser leur peau. artfichier_723900_4473561_201501210339796

La ragosphère prospère sur l’ignorance, la peur et le manque parfois évident de culture générale. Ajoutons à cela le délicieux frisson qui fait vibrer l’internaute, lorsque confortablement installé devant son ordinateur, il est le premier à avoir ce qu’il imagine être un « scoop ». Hop, clic, partage… et autosatisfaction.

Cette semaine j’ai ainsi vu un monceau d’insanités sur certains murs. On peut diviser tout ceci en deux catégories : les salauds et les benêts. Le salaud sait parfaitement qu’il met en ligne une contrevérité ou un mensonge. C’est très facile de détourner une photo et d’y incruster trois lignes de texte qui vont émouvoir la toile. On connait les sites qui distillent ce genre de saletés, et force est d’admettre qu’ils sont assez souvent très à droite, très mensongers et très puants. Le benêt, lui, n’est pas forcément méchant : il est juste un peu couillon et partage sans aucune vérification des « informations » sorties d’une sorte de trou noir anonyme. Ce n’est pas un mauvais bougre mais il ne se rend pas compte qu’il n’est pas un lanceur d’alerte et qu’en fait il lance surtout de grosses bouses.

Ensuite, il y a des sites parodiques qui ne sont pas perçus en tant que tels par l’internaute. Certains s’indignent alors qu’une relecture (ou une simple lecture attentive) permet de voir la grosse ficelle.
Je n’en veux pas aux benêts ( il paraît que le royaume des cieux leur est ouvert) mais je conchie les salauds qui, sous couvert d’information « libre », répandent leur venin sur la toile.
Quelques conseils ?

– Avant de « partager », faites une petite vérification sur la toile… Allez faire un tour sur le site d’où sort l’info. La « coloration » du site vous aidera à voir si vous êtes vraiment en phase avec ladite information. Il existe également quelques sites spécialisés dans le dégommage de ces infos bidons, les hoax en langage internet. Hoax c’est moche. Ce n’est pas toujours facile de faire le tri entre vraies et fausses informations. Même les pros se font parfois abuser.
– Ne tombez pas dans le piège de « les médias nous mentent mais heureusement nous sommes là pour rétablir la vérité ».
– N’oubliez pas que chaque année des journalistes meurent car ils vont sur le terrain pour vous tenir informés.

Dans le doute, ne partagez pas une information que vous n’avez pas pu recouper.

Auteur : Riccardo

Quand j'avais quinze ans c'était "peace and love". Quand j'avais vingt ans on gueulait "no future". Maintenant que j'ai passé le cap du demi-siècle cela m'ennuie un peu de constater que nous fonçons droit dans le mur... Après "no future" c'est quoi ?

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